Entretien avec Benjamin Retoeb

«Dans le cadre de mon projet de diplôme de DNSEP mention design graphique et édition à l'ERBA de Rennes autour du statut du graphiste et les éventuelles utopies autour de de celui-ci, je questionne les graphistes et plus particulièrement les jeunes graphistes. Certaines des questions sont communes avec d'autres graphistes d'autres ne concerne que vous. Cela me permettant ainsi d'évaluer les différences ou pas entre la réalité et fantasme.»
Benjamin Retoeb, 25 octobre 2009.

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Pourquoi avoir choisi de vous installer en indépendant plutôt que de travailler en agence?

Tout d'abord, nous sommes partisans de l'autogestion.
D'autre part, en observant ce qui nous semblent être des expériences réussies (parce que produisant des formes de qualité sans délaisser le plaisir et l’intelligence de la pratique), nous relevons qu'il s'agit toujours de petites structures (moins de 10 personnes), hiérarchiquement «horizontales» et fonctionnant avec une économie réduite.

Aviez-vous travaillé en agence avant de vous lancer en freelance?

Oui et non. Nous avons respectivement travaillé, le temps d'un stage, avec l'agence de communication Dynamo+ à Brest et avec l'Atelier de création graphique à Paris, mais notre début d'activité est antérieur à ces stages.

Pourquoi avoir choisi de travailler à plusieurs plutôt que seul?

Travailler en contact régulier avec d'autres personnes nourrit grandement les réflexions et les production de chacun. Bien sûr cela repose sur un certain nombre de règles de travail ; le partage, l'acceptation de la critique, l'effort de toujours être constructif, la disponibilité…
L'inverse – travailler en solitaire – amène trop souvent à un isolement déboussolant, ou bien (pour ceux qui réussissent à atteindre le «succès») à l'égocentrisme le plus prométhéen.
Notre position pourrait se résumer ainsi : notre bonheur ne peut passer que par une pratique collective ; de ce bonheur, de cette pratique, ne peut émerger que des formes généreuses.

Au début de votre activité, quelles étaient les éventuelles appréhension de vos premiers clients?

Cette question il faudrait la poser directement à celles et ceux avec qui nous avons déjà travaillé.
Peut-être que leur principale appréhension est liée au fait que les formes que nous proposons ne sont pas conventionnelles, qu'elles ne se coltinent pas à rester «lisibles», «compréhensibles par la ménagère», «impactantes»… en même temps nous travaillons avec des personnes qui, dans leurs propres pratiques, s'opposent aussi à ces façons de faire abrutissantes.

Est-ce vous qui êtes allé vers votre premier client ou lui, comment votre premier contact a eu lieu?

Les deux. Nos relations font que nous travaillons par exemple pour une compagnie de théâtre brestoise (Théâtre du grain). Mais nous allons aussi volontairement au contact de personnes dont nous apprécions le travail – et ayant, de notre point de vue, des nécessités de communication.

Qu'est-ce qui fait que selon vous un client potentiel se dirigera vers un graphiste indépendant plutôt qu'une agence?

De manière générale, un commanditaire s'adresse à des agences quand il veut que l'ensemble des «plans» ou «stratégies» de communication soient pris en charge de manière externe. Par ce biais il aura un résultat «garanti», «clé en main», «efficace», consensuel.
Si, par contre, un commanditaire a déjà en tête la réalisation graphique à créer (une affiche, un logo, un site Internet), il peut se tourner vers des graphistes indépendants (cela dépend aussi de ses habitudes de travail). Par ce biais il fera des économies.

De notre côté nous souhaitons fermement empiéter sur les savoir-faire des agences de communication pour pouvoir, nous aussi, conseiller les commanditaires sur les typologies de supports, les possibilités de fabrication, de distribution, la mise en forme de l'information, la place des images, la nécessité de la création. (Sans pour autant renier la réalisation et le suivi des travaux.) Pour que l'on nous reconnaisse de tels savoir-faire, il faudra du temps.

Aujourd'hui arrivez-vous à vivre de votre activité? Mal.
Notre atelier s'est officiellement ouvert en septembre 2009. Nous estimons qu'il faudra peut-être une année pour pouvoir générer (de manière précaire) un revenu et, si tout va bien, qu'il faudra trois années pour que nous puissions vivre tous les deux de l'activité de l'atelier.