Cap'com, son forum, son discours

Le forum de Cap'Com s'est tenu à Saint-Étienne les 1, 2 et 3 décembre. L'occasion d'admirer les lauréats du «21e Grand prix Cap'Com» et du «11e Prix de la presse territoriale».



Mais attardons nous tout d'abord sur ce qu'est Cap'Com… car je doute que les lecteurs de ce présent blog, pourtant sensibles aux problématiques politiques et graphiques (entre autres), aient connaissance de cet «organisme de formation».

Créé en 1988, alors que l'outil «communication» au service des collectivités territoriales est encore en pleine croissance (cf. Citoyen-graphiste), Cap'Com propose notamment un forum annuel, «rendez-vous annuel des communicants publics, réunissant plus de 900 professionnels pour 3 jours de formation et de rencontre réseau». L'occasion parfaite pour que s'entretiennent agences de communication (prestataires) et chargés de communication (commanditaires).



Pour le dire clairement, Cap'Com est aujourd'hui le principal think tank français concernant la communication des collectivités territoriales (celles-ci représentant depuis la décentralisation de 1982 une manne financière colossale). À travers son forum, ses formations ou sa médiathèque, Cap'Com détermine ce qu'est une bonne campagne de sensibilisation, une bonne identité visuelle, un bon journal de ville… le tout dans le plus grand respect des intérêts des intéressés.

Pour se faire une idée des intéressés dont il est question, on peut relever les situations professionnelles des signataires de leur «manifeste du 28 mars» (qui fait suite à la proposition de loi tendant à limiter les dépenses annuelles de communication des collectivités territoriales à 0,3 % de leur budget global). On voit que très très peu d'élus ou d'adjoints (je ne parle même pas de «simples citoyens») se sont souciés de cette contre-attaque ; seuls ceux qui y trouvent un intérêt privé direct la soutiennent et c'est bien naturel… et cela nous montre donc à qui sert les budgets de «communication» ici menacés.
Ceux-là sont «dircom», chargés de com', directeurs d'agences de com', consultants, conseillers en communication, journalistes, graphistes et infographistes rattachés à des collectivités…

Parmi ses activités de think tank, Cap'Com s'est évidemment doté d'une «philosophie» (fixée dans sa «Charte de Marseille», recueil de bonnes intentions et de langue de bois qui «a pour objet de tracer les contours de l'exercice de la communication locale de service public, des droits et devoirs des professionnels qui l'exercent») et propose tout un catalogue de formations.

Découvrons maintenant les bons exemples, les formidables réussites, que Cap'Com a récompensé cette année :



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De notre côté nous souhaitons particulièrement saluer la campagne de «dépoussiérage» de l'Ursaff Midi-Pyrénées. Un énergique «concept» astucieusement nommé «concentré d'efficacité».



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Nous reviendrons dans un autre article sur la campagne mélangeant affichage massif et guerilla marketing orchestrée pour la Fondation Abbé Pierre.
Sur un aspect beaucoup plus encourageant, une jolie initiative éditoriale de la ville de Saint-Étienne-du-Rouvray a été honorée (nous devrions bientôt nous procurer le livre On appelle ça de l'humanité et vous en parler).
Tandis que le prix de la presse territoriale a été décerné à une énième insignifiante formule de journal de ville.



Rappelons que ces remises de prix, très développées dans le milieu publicitaire, n'ont pas du tout un rôle subalterne dans les pratiques professionnelles… Parce que remporter des prix a un impact direct sur les carrières et les revenus des directeurs artistiques, ceux-ci ont beau jeu de travailler activement dans l'optique de remporter de nouveaux prix (et non plus, en premier lieu, dans l'intérêt des commanditaires… je ne parle même plus des «simples citoyens»!)
(Merci à Cédric pour m'avoir ouvert les yeux là-dessus.)

Bien qu'il serait intéressant de s'attarder sur les critères de sélection des jurys (cf les catégories du Grand prix), nous ne nous y arrêterons pas car c'est l'existence même de ce type de concours qui à faire sauter.

Si on peut ici regretter la consistance d'une telle manifestation, nous regrettons aussi l'absence des questions et des commanditaires liés à l'utilité publique dans les manifestations de graphisme (Festival de Chaumont, Graphisme en revue, débats de la Galerie Anatome…). Le travail que mène Cap'Com sur un sujet délaissé par les politiques, les graphistes et les citoyens nous rappelle, à son corps défendant, que l'existence d'un espace de réflexion et d'analyse de la communication politique est important et reste à imaginer.

Bonus. L'invité star de l'édition 2009 du forum Cap'Com était Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Son témoignage portait sur «la communication sociale au quotidien et la communication liée à la mise en œuvre d'un dispositif nouveau à grande échelle avec l'exemple du revenu de Solidarité active». Le fameux RSA, peut-être pas la première réforme à se voir doter d'un logo mais, assurément, le premier dispositif social a devenir une marque!
Mais est-ce ainsi que nous voulons faire de la politique?

Ce qui nous dérange dans toutes les activités de Cap'Com c'est sans doute, avant tout, l'absence du politique. La dépolitisation massive des enjeux. Ainsi dans leur discours, n'apparait jamais d'interrogation sur le lien, la cohérence entre une pratique de communication et une pratique politique. Au contraire, il s'agit d'établir des recettes formelles, niant les contextes, puisque les lieux (leur histoire, leur population et pas juste leur territoire), la couleur des institutions politiques et les actions de celles-ci ne sont jamais évoqués.

Autant ces stratégies de communication ciblent des publics (habitants, usagers, mais aussi souvent chefs d'entreprise ou consommateurs, touristes), autant le citoyen, celui qui est gouverné tout autant que celui qui gouverne n'apparait pas. (Aussi, l'usage de la communication dans le jeu politique de l'élection n'est pas abordé alors qu'il est un enjeu des plus sensibles.)