Citoyen-graphiste — Partisan de l'intérêt public



Précédemment disponible en pdf, notre mémoire est désormais entièrement à lire en ligne sur le site de l'atelier
http://www.formes-vives.org/atelier/?category/Citoyen-graphiste

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Après avoir collaboré sur divers projets, Nicolas et moi nous sommes retrouvés à l'occasion de notre mémoire de 4e année des arts décos. Pendant près de 4 mois nous nous sommes attelés à affiner notre compréhension des pratiques des institutions publiques en matière de communication.
Un sujet qui nous concerne en tant que graphistes mais aussi, et surtout, en tant que citoyens.
En partant de ce qui nous entoure, nos lieux de vie, nous avons esquissé un inventaire des matériaux graphiques qui nous sont destinés (identités visuelles, journaux, affiches, etc.). Nous nous sommes intéressés aux mairies d'Ivry, de Créteil, de Paris, de Brest, à la région Île-de-France ; autant d'organisations qui ont des fonctions de représentations et de services, et non pas de vente.
Nous avons remarqué que la production de discours (mots et images) par les institutions publiques se substituent bien souvent au sens des actions de la collectivités. Elles cherchent, par l'utilisation des formes marchandes, à légitimer leur position. En jouant le jeu de la publicité et du marketing, elles discréditent encore plus un système certes imparfait mais aussi, parfois, généreux.

Si l'on estime qu'une région, une ville, un quartier, ne sont pas des produits de consommation, si l'on estime que le rapport citoyen—élu n'est pas réductible à une enquête de satisfaction, alors il faut arrêter de reproduire les logiques de la réclame.
Le travail de recherche et de critique que nous avons fourni via ce mémoire peut être vu comme le démarrage d'une pratique lucide de la communication visuelle. Bien sûr nous ne sommes pas les premiers à prendre une telle position. Ainsi notre mémoire rend compte de l'évolution de la communication à travers l'Histoire (lire L'achat de la paix sociale et Éléments de chronologie).
Nous avons également laissé la parole à trois praticiens : Jean-Pierre Grunfeld, Pierre Bernard et Gérard Paris-Clavel. Ces trois entretiens forment en quelque sorte le cœur du mémoire.

Bonne lecture.

Pour une pratique intéressante

(Brouillon) (La hiérarchie se fait de haut en bas)


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(Il n'a pas encore de titre)

Notre mémoire

Avec Nicolas nous aboutissons en ce moment notre mémoire (rendu le 2 juin) ; c'est ce qui explique l'actuelle faible activité de Formes Vives.


Nous produisons ensemble une analyse du développement, des usages et des enjeux de la communication visuelle dans les institutions publiques. En même temps nous nous plaçons dans un désir de démocratie et essayons de voir comment il serait possible d'amener des images d'intérêt public.

Défilent dans nos pages un embrouillamini de remarques, de critiques, de chroniques, de chronologies, de l'histoire politique, de la sociologie, de la sémiologie, du cynisme, du rhétorique, de l'humour... Une place importante est également donnée à trois entretiens : Pierre Bernard, Jean-Pierre Grunfeld et Gérard Paris-Clavel.

Nous n'imaginons pas pouvoir produire un travail juste en ne s'appuyant que sur de rares «bons» exemples et des intuitions personnelles. Alors nous nous attachons à démanteler la médiocrité des pratiques actuelles, les automatismes, les dérives, les discours, les formes...

Je ne peux pas m'empêcher de faire référence à ce niveau à cette fameuse discussion entre Noam Chomsky et Michel Foucault. Sans prétention, je pense que nous essayons de réinvestir le positionnement foucaldien dans nos impasses de design graphique plutôt que de nous lancer romantiquement dans de vulnérables utopies.


Nous n'avançons pas non plus vers un pessimisme désespérant! Au contraire, dans la composition de ce mémoire ou dans ce que nous pourrons expérimenter l'année prochaine en projet de fin d'étude, nous souhaitons élever du subversif, du solidaire, de la joie.

Ticket chic ticket choc

En 1981 est confié à l'agence Ecom (groupe Havas) la tâche de faire décoller la RATP. L'agence de publicité va faire subir un tournant radical à l'entreprise publique de transport et la campagne va connaitre un franc succès.

Jusque là, les campagnes d'affichages vantaient les qualités réelles de l'entreprise (notamment face à la voiture) mais cela ne semblait plus suffire pour attirer d'avantage les parisiens. On a alors recherché un effet de mode et ainsi est créée une image forte et originale mettant en avant le ticket jaune et sa bande marron. On a créé une image de «marque» pensant que l'image d'une institution publique ne pouvait revendiquer le dynamisme nécessaire.

Cette réussite est sans doute, en partie, à l'origine de ce qui fait la médiocrité actuelle de la communication des institutions publiques qui se sont rabattues sans moufter sur le modèle de la publicité commerciale – c'est sans doute pire car en dépensant des sommes colossales elles doivent être persuadées d'être «en avance».

Quand j'emploie la terme de «médiocrité» ce n'est pas pour juger de la qualité visuelle des images produites mais pour souligner la confusion faite entre les usagers et les consommateurs que ce type de communication implique. On s'adresse à nous pour nous vendre quelque chose alors même que la raison première d'un service public en France devrait être d'améliorer notre qualité de vie. Ainsi, une entreprise publique devrait s'adresser à ses usagers comme à des citadins, des habitants de l'espace public et à fortiori des citoyens. Jean-Pierre Grunfeld utilise à ce sujet le terme de «citadin-citoyen».

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Participez à la vie de votre quartier

Chronique de promenade dans l'espace public.

Jeudi 10 avril à Créteil.

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Tonnes de merdes

Voici une image que je trouve très pertinente. C'est l'œuvre d'antipubs parisiens. La présence de ces barbouillages n'est pas si fréquent mais quand, pour ma part, j'ai l'occasion d'en croiser, je suis toujours agréablement surpris dans mon sommeil.

L'image sur laquelle je m'attarde n'est pas prise au hasard.

Tout d'abord j'apprécie la spontanéité de ce message écrit à la va-vite. Sans doute l'idée même de ce contre-slogan, «Tonnes de merdes», a été improvisé au moment d'accomplir le barbouillage. C'est cette spontanéité qui ici fait mouche et qui me fait réagir car souvent les slogans des antipubs me paraissent banals et ne jouent justement pas sur le lien qui peut naitre avec les images produites par la publicité (rapport texte-image). Ici l'auteur s'en est parfaitement joué.

Cette qualité est-elle un heureux hasard? Sans doute, mais ce même hasard est le fruit de l'extrême urgence propre à cette action. Ainsi le risque que de telles réussites soient rares fait parti de la démarche. Et quand réussite il y a, cela en est d'autant plus réjouissant!

Quand le slogan n'est pas bon, quand il fait trop «roquet»* ou à l'inverse «utopiste nuageux», alors je suis conduit à le mettre de côté pour ne juger qu'une action – pour laquelle j'ai le plus grand respect. Cette action est une subversion hautement nécessaire dans une société qui se réclame démocratique, dans un espace qui se nomme «public» et qui, paradoxe, est couvert des verrues des intérêts privés. L'action des antipubs est dans cette mesure porteuse d'un message intrinsèque, un réquisitoire contre les oppressions du commerce et plus largement un plaidoyer à la liberté.

Mais ici le message qui émerge est encore plus puissant dans la mesure où l'action et l'image qui en résulte se conjugue. Habituellement, les images sur lesquelles les antipubs barbouillent sont «anesthésiées». Elles ne peuvent plus remplir leur fonction publicitaire, propagandiste et n'ont plus aucun impact sur le public. Mais dans le cas présent le barbouillage va plus loin en s'appropriant le visuel de cette image! Il né alors une nouvelle image qui est le négatif parfait de la précédente.

Ce retournement-critique permet à ceux qui ont pris le temps de l'apprécier, d'aiguiser un peu mieux leurs regards-critiques sur cet environnement manipulatoire. N'est-ce pas là une tâche à laquelle devrait s'attacher les graphistes, du moins ceux qui estiment pouvoir tenir un rôle dans une démocratie et qui ont acquis la compétence de décrypter les images? Ne doit-on pas aider le public à mieux comprendre ces manipulations et ainsi à les retourner?

* Le deuxième slogan antipub que l'on peut lire, «7 jours pour accumuler, pas 1 jour pour y penser», répond à l'argument publicitaire qui vante que les magasins sont ouverts «7 jours sur 7». C'est ce que je nomme un slogan «roquet», il donne une réplique naïve et ne s'attarde qu'à répondre au message textuel.

La photo a été prise le 29 septembre 2007, station Censier-Daubenton.