Colloque Photo/Graphisme 1/2

Samedi 20 octobre était organisé un colloque au Jeu de Paume, à Paris, en marge des trois expositions qui ont actuellement lieu (Roger Parry, Edward Steichen et Ultralab). La matinée était consacrée à des interventions sur l'histoire des relations entre photographie et design graphique tandis que l'après-midi la parole était donnée à des créateurs contemporains. Petit retour.

El Lissitzky, couverture de livre, 1928.


-

Michel Frizot, historien de la photographie, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l'École du Louvre.
Photo/graphismes de magazines : les possibles de la roto-hélio, 1927-1935.

En montrant comment le texte est devenu une image et toutes les nouvelles possibilités qu'a amené la roto-héliogravure, Michel Frizot nous a offert un beau panorama des premières tentatives de collage dans la presse avec le magazine de photographie VU et même avant, de manière surprenante, dans le journal d'actualité sportive Match l'intran.

Le journal Match l'intran, 1933.
Le magazine Vu, années 30.
-

Roxane Jubert, historienne du graphisme, enseignante à l'Ensad, Maître de conférence à l'Université de Rennes II, chargée de cours à Paris IV.
Typo/Photo.

Dans un panorama légendé oralement par des descriptions très peu contextualisées, Roxane Jubert nous a dispensé un cours des plus attendu partant des avant-gardes (Moholy-Nagy, El Lissitzky, Tschichold, etc.) pour arriver aujourd'hui avec des exemples comme Barbara Kruger ou David Carson.

Alphabet de Karel Teige, 1926.
Texte accompagnant l'image ci-dessous : Karel Teige’s remarkable design places photographs of a dancer posed in stylized alphabetic postures (choreographed by Mayerová) against bold Constructivist compositions of the same letter forms, creating typo-photomontages which are juxtaposed with Nezval’s poems on the opposite pages. "Pioneers of new typography regarded photography as intrinsic to their discipline. For example, Teige believed that the use of photography ‘changed the nature, structure, and quality of modern typography,’ and, like Moholy-Nagy, he argued for ‘the synthesis of the two "black arts,"’ coining the term phototypography" (Jaroslav Andel, in Houston).
Une affiche de Jan Tschichold et une installation de Barbara Kruger.
-

Victor Margolin, historien du design et professeur émérite à l'Université de l'Illinois à Chicago.
Aspects de la photographie dans la République de Weimar.

Son accent de cowboy n'a que mal dissimulé sa fine connaissance de l'avant-garde allemande des années 20. Victor Margolin divise en deux courants les travaux sur la photographie de l'époque : le photomontage subversif (avec une position critique et Dada en première ligne) et l'Objectivité nouvelle (qui cherche à documenter). Il souligne également comment la photographie devient un médium singulier et s'installe comme un support privilégié pour l'Art moderne.

Raoul Hausmann, ABCD, 1923.
El Lissitzky, Le constructeur, 1924.
John Heartfield, couverture de livre, 1929.
-

Michel Wlassikoff, historien du graphisme, enseignant et commissaire d'exposition.
Futura-Photographie.

Rien de plus contextualisé que de parler de la fonte Futura au Jeu de Paume (Change is Good, qui en signe l'identité visuelle, a pour l'occasion redessinée le Futura selon des recherches non-abouties de Paul Renner). Ainsi, toujours dans le contexte des avant-gardes d'entre-deux-guerres, Michel Wlassikoff nous a conté la naissance de cette formidable typographie. Si les premières applications du Futura étaient, avec un grand succès, de la signalétique, Paul Renner envisageait son caractère comme très approprié pour le texte de labeur. Ainsi la promotion du Futura a suivi le protocole inverse des autres caractères (qui devaient faire leurs preuves pour les textes avant de pouvoir être utilisé pour des titrages et de la signalétique).
Il a également insisté sur la volonté de Renner de ne pas rompre avec la tradition typographique. Sans renier des correspondances avec les recherches de Jan Tschichold, Josef Albers ou Herbert Bayer, Paul Renner (1878-1956) était toute fois de la génération antérieure.
Puis il s'est attardé sur l'arrivée du Futura en France, où les droits furent achetés par la fonderie Deberny et Peignot. Ceux-ci renommèrent le caractère «Europe», allez savoir pourquoi!

La typographie Futura fut éditée pour la première fois en 1927, à Francfort.

-

Cette riche matinée s'est terminée ainsi.