Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé (2)

Suite à l'introduction faite par Adrien, je condense ici ce qui a, pour moi, fait sens à ce moment de l'année dans le dernier livre de Jacques Rancière. La brutalité des notes enlève au discours une partie de sa complexité. Il ne faut y voir que la rencontre succincte de deux préoccupations.


Notes :

Il faut se défaire de l'idée que la vision d'un spectacle amène à la compréhension du monde et invite alors à une décision d'action. Tout au plus on passe d'un monde sensible à un autre monde sensible (c'est à dire d'autres tolérances et intolérances, d'autres capacités et incapacités, ce qui n'est pas rien). Il y a un consensus actuel qui veut que quelque soit nos divergences d'idées et d'aspirations, nous percevons les mêmes choses et donnons la même signification. Cependant il y a dissociation interne au sens entre le mode de présentation sensible et le mode d'interprétation de ses données. Le réel est objet de fiction, la fiction dominante se fait passer pour le réel. Le rapport entre ART et POLITIQUE n'est pas celui entre fiction et réel, il s'agit de deux manières de produire des fictions.

«Les pratiques de l'art ne sont pas des instruments qui fournissent des formes de conscience ou des énergies mobilisatrices au profit d'une politique qui leur serait extérieure.»

Les pratiques de l'art contribuent à dessiner un paysage nouveau du visible, du dicible et du faisable. Elles forgent contre le consensus d'autres formes de «sens commun».

La critique est le déplacement des lignes de séparation.

L'art critique est un art qui sait que son effet politique (non garanti) passe par la distance esthétique. Son effet serait le déplacement de l'équilibre des possibles et la distribution des capacités.

Pour Rancière, la critique du spectacle de Guy Debord et le discours de l'irreprésentabilité de la Shoah ont nourri un soupçon global sur la capacité politique de toute image.

Une confiance nouvelle dans la capacité politique des images suppose la critique du schéma stratégique :
perception -> affection -> compréhension -> action

Les images de l'art ne fournissent pas des armes pour les combats, elles contribuent à dessiner des configurations nouvelles du visible, du dicible, du pensable. Elles le font à condition de ne pas anticiper leur sens ni leur effet.