«Si les écoles sont hiérarchisées, organisées en échelons inamovibles, si les horaires sont implacables, si les règlements sont omniprésents, si on apprend toujours plus à se taire devant le professeur et à rester assis tassé qu'à ouvrir la bouche ou se mouvoir librement, c'est que, dès que ces barrières sautent, les enjeux sexuels, politiques, sociaux, conflictuels, les enjeux vitaux de l'éducation, sautent au visage de tous. La panique menace de toutes parts.»

La maison d'édition indépendante Les Prairies ordinaires, dirigée par Rémy Toulouse, continue son petit bonhomme de chemin. Parmi ses récentes publications s'est glissé un étonnant livre du chorégraphe et danseur français Boris Charmatz.

Pendant une année (2003-2004), il a réuni quinze jeunes personnes pour Bocal ; un temps, une recherche, une pédagogie expérimentale pour, peut-être, inventer et pratiquer la danse contemporaine. D'ateliers en rencontres, de représentations-performances en irrémédiables aléas d'une tentative collective, Bocal s'attaque, en même temps qu'il nourrit, le sensible et le politique, le corps et l'esprit.

Charmatz fait partager, à la manière d'un collage, cette année d'entraînements, de divagation, d'efforts, de crises et de joies. Les allers-retours entre l'approche théorique et les comptes-rendus d'expériences, agrémentés d'extraits de textes, de photos, de croquis, composent un livre surprenant, s'offrant à une lecture dansée — zigzags, bonds, accélérations, chutes, flottements… — tout en étant un archivage généreux et soigné.

On peut sans doute regretter qu'une seule voix s'exprime pleinement — celle de l'instigateur — alors que Bocal se voulait collectif et corrosif pour toutes les hiérarchies et conventions. Je suis une école n'en demeure pas moins une chaude et encourageante braise pour penser ensemble la pédagogie et la pratique artistique.

La quatrième de couverture vous en dira plus (à trouver sur le site flash des Prairies ordinaires). La composition graphique du livre est l'œuvre de Jérôme Saint-Loubert Bié. Merci à Gala pour ce cadeau.