Pour faire suite à ma ’tite prise de parole d’hier, pendant la discussion suivant la présentation du boulot de Ne pas plier et de Gérard Paris-Clavel dans le cadre du cycle de conférences Art[espace]public, voici un excellent document qui finit de déconstruire «le business du militantisme marketing» du collectif Jeudi Noir (collectif que j’ai moi-même fréquenté il y a petit moment).

L’analyse très bien renseignée ne vient bizarrement pas d’un des nombreux militants enthousiastes qui, comme moi, ont pu participer à des actions Jeudi Noir (ou de Génération précaire, ou de Sauvons les riches… les mêmes trois-quatre personnes étant aux manettes de ces différents «collectifs»), avant de vite prendre ses distances avec ces coquilles presque vides. Non, on doit cette analyse critique sur «les nouvelles formes de regroupements de personnes dans l'espace public» au Centre de Prospective de la Gendarmerie Nationale!
Une lecture synthétique de ce très riche rapport (préparant de nouvelles stratégies de coercition) est à lire dans cet incontournable article du site de l’Interstice. (Jeudi Noir étant rangé dans le troisième chapitre intitulé «Mensonges, business et récupération».)



Une image piquée lors de la présentation de Gérard, une manifestation de l’APEIS (association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires) où une grande photo d’une occupation d’Assedic est brandie par des militants, prolongeant l’émotion et la force d’une telle action et dupliquant la visibilité de ces corps en danger et unis.

J’évoquais cette supercherie en rebond à une prise de parole faisant l’éloge des formes d’actions joyeuses et visibles de Jeudi Noir (sans bien sûr évoquer les procès perdus et les squatters aujourd’hui condamnés à de lourdes sommes quand on leur avait promis qu’ils ne risquaient rien, «ici on fait du militantisme rigolo») et opposant ce type d’happening à ce que le Spectacle a progressivement réussi à décrier comme sclérosés et ringardos (syndicats, partis, associations institutionnelles…) Le problème ainsi posé rejoint exactement le jeu du commerce et des médias dominants qui font la part belle à «ce qui bouge» et bien sûr jamais à ce qui dérange vraiment (ou même à ce qui pourrait faire simplement réfléchir).

Si les travaux de Ne pas plier – ou de Gérard Paris-Clavel seul – sont eux aussi concentrés sur le visible, ils sont toujours intensément politiques, résistants (aux formes du commerce notamment) et intelligents (la forme ne prenant jamais le pas sur le sens)… Et ils s’ancrent dans des solidarités et des luttes de longue date, mûrement construits, appuyés fièrement sur une histoire populaire. Tout cela nous éloigne considérablement des opérations de buzz à l’œuvre dans le «guerilla marketing» ou chez Jeudi Noir.