Dernier album en date du génial Étienne Davodeau, les Ignorants raconte comme son nom l'indique l'initiation croisée d'un viticulteur atypique et d'un dessinateur de la vie de tous les jours. Quel jovial documentaire qu'est cette aventure entreprise pendant plus d'un an par l'auteur et son voisin vigneron en bio de Rablay-sur-Layon (Maine-et-Loire) dénommé Richard Leroy. Il nous plonge dans le quotidien savoureux de deux métiers à première vue bien distincts mais qui se montreront fort complices. L'étincelle qui a sûrement permis que ces deux mondes puissent se rejoindre c'est l'envie d'exprimer une passion portée au travail bien fait et à une culture qu'il véhicule. Lorsque l'un l'initie à la poétique dégustation des grands crus, à la sensuelle relation d'un homme à sa terre et aux intrigantes mais plus que pertinentes pratiques biodynamiques, l'autre l'entraîne dans les mondains et fanatiques salons du livre, à toucher et sentir le papier et les encres d'imprimerie et à converser lors des chaleureuses réunions-repas d'éditeur. Au gré des rencontres avec les compagnons de la profession, les deux amis se font découvrir leur monde, occupent le temps nécessaire au partage des savoirs, de leur art et c'est par cette enthousiasmante façon d'appréhender la question du sens du travail que l'on comprend que ces activités sont en réalité tellement proches quand elles sont à ce point investies par leurs acteurs.  
Ici, le dessin de Davodeau est toujours aussi précis, juste et atteint une tonalité intéressante par ce gris travaillé au lavis où l'on perçoit tout son plaisir de croquer les vignes des Coteaux du Layon caressées par les brises de la Loire toute proche. Après Rural et Les Mauvaises Gens, encore une fois, Davodeau nous enchante par ses histoires ordinaires qui révèlent avec sincérité le monde rural dans sa rudesse et sa richesse. Pour prolonger l'éveil des sens ce sera peut-être le week-end prochain à Montreuil.



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