«Un an après le début de la catastrophe», manif anti-nucléaire dimanche
Adrien Zammit - samedi 10 mars 2012 - Politique
Rendez-vous à 14h30 à la Gare du nord (Paris). Nous en avons fait laffiche et voici un texte communiqué par lAssemblée francilienne contre le nucléaire.
Nous étions jeunes quand la catastrophe de Tchernobyl a eu lieu. Nous avons grandi avec tous les cancers, toutes les malformations quont encore à subir les populations de là-bas. Nous avons grandi avec cette idée que des pans entiers de territoires seraient sacrifiés, presque à jamais, pour les besoins de lindustrie atomique.
Nous aurions pu oublier cette catastrophe, oublier quun des 58 réacteurs français pouvait à son tour exploser, à Lyon, Toulouse, Paris ou Bordeaux.
Ce qui arrive aux japonais, nous arrive également. Cest notre bouffe qui est empoisonnée, ce sont nos frères et nos surs qui tentent datténuer les conséquences de la catastrophe en cours. Près de 400 000 personnes sont déjà intervenues sur les réacteurs de Fukushima-Daïchi ce sont nos amis, nos proches, qui sont voués à mourir à petit feu. Les frontières, les milliers de kilomètres ne sont pas des obstacles à notre empathie. Il ny a pas dexotisme de la situation japonaise : car cest une société nucléarisée, comme la nôtre.
Le fonctionnement ordinaire de lindustrie nucléaire exige déjà, ici, des sacrifices humains. Nous ne pouvons nous empêcher de penser aux travailleurs précaires du nucléaire, aux cheminots qui convoient les trains de matière radioactive, à leur exposition constante aux rayonnements ionisants. En France nous parlons au bas mot de 30 000 personnes. La catastrophe ne fait quélargir le nombre de personnes affectées.
Avec Fukushima, une brèche ne sest pas seulement ouverte dans les réacteurs. Elle sest ouverte aussi au fond de nous, résonnant avec lhorreur, nous poussant à agir, tenter de lutter. Nous ne parlons pas en experts, en spécialistes de la chose, ce que nous ressentons est des plus commun : peur et colère. Lurgence devient vitale. Souvent, limpression quaucun changement nest possible nous tétanise. Lindustrie nucléaire a pourtant une infrastructure publique et privée. Elle porte le nom dAreva, Vinci, Bouygues, GDF-Suez, EDF, du CEA, de lécole des Mines. Des noms familiers, des noms que lon retrouve facilement ailleurs. Oui, le nucléaire est une affaire dexperts qui font sereinement des plans du haut de leurs tours. La tranquillité du débat français qui porte essentiellement sur la manière dont léconomie française pourra supporter le passage à dautres techniques de production délectricité a quelque chose de surréaliste. Les apprentis-sorciers de léconomie discutent gentiment avec les savants fous du nucléaire. Avec eux, tout est hors contrôle.
Nous, pas plus que nos parents, navons choisi ce délire. La lutte contre le nucléaire, son histoire, sinscrit, en revanche, dans cette volonté de faire valoir notre capacité commune à discuter explicitement de nos besoins et à inventer nos manières dhabiter, de partager, de travailler, de vivre.
Aujourdhui, lavenir que projette toutes les élites est celui dun capitalisme vert, austère, sécuritaire, aux frontières fermées. Une pression jamais égalée sur les individus est la seule réponse quautorise léconomie délirante. Nous refusons de peser nos poubelles, de contrôler nos voisins, de devenir les managers stressés de notre capital humain et écologique. Nous voulons que sorganise la rupture avec un système qui se nourrit de la concurrence de tous, de surconsommation et de toujours plus de destruction. Cest ce système qui est parasite : pas la solidarité, lentraide et la construction consciente.
Malheureusement, face à la crise économique et écologique, nous réagissons massivement comme des bêtes qui voudraient traverser un autoroute : fascinés par les phares, nous attendons dêtre écrasés. En ce moment, comme dautres, nous nous demandons comment détourner le regard et bâtir une passerelle.
Ce qui se passe en Grèce ces jours-ci, le cynisme avec lequel, au Japon, la continuité de léconomie a été privilégiée sur lévacuation des populations devrait tous nous inciter à essayer de reprendre prise sur la situation qui nous est faite. Il est grand temps de rompre avec une économie qui ne survit que par lendettement. Endettement vis-à-vis du futur ; endettement vis-à-vis de la nature. Car nous payons sans cesse la note.
Nous navons pas de solution miracle. En revanche nous savons que la première nécessité est celle de la solidarité. Dune solidarité qui permette de mieux articuler au lieu de les opposer les sabotages, les actions de masse et la réflexion sur dautres modes de production. Se redonner du courage, à travers des actions et un soutien inconditionnel de tous, pourrait nous permettre de sortir de limpasse présente. Ce quil s est passé à Valognes nous lindique, ce quil se passe au Japon lexige de nous.
Pour le 11 mars, nous appelons, à Paris, à une manifestation qui partira de la gare de Nord à 14h pour dénoncer les convois de trains de matières radioactives traversant fréquemment la région parisienne. Nous appelons ceux qui le veulent à shabiller de tenues blanches et de masques blancs, à se parer de tenues qui évoquent celles des nettoyeurs anonymes employés dans les centrales nucléaires, de Fukushima à Paris.