Luther Blissett, Lil de Carafa / Wu Ming, Manituana
Adrien Zammit - jeudi 15 mars 2012 - Bibliothèque
Quelques mois après avoir terminé lil de Carafa, signé Luther Blissett, jai achevé hier les dernières pages déchirantes de Manituana, un autre roman historique du même collectif décrivains italiens qui depuis 2000 signent sous le nom de Wu Ming.
Sur leur site on peut trouver, en français, la biographie de ce palpitant collectif, des épiques aventures de Luther Blissett un nom avec lequel ont opéré divers trouble-fête, travaillant notamment à «des canulars médiatiques élaborés comme forme d'art» sen prenant délicieusement à lindustrie culturelle et médiatique jusquaux diverses productions littéraires signées Wu Ming.
Lentretien paru sur le site dArticle11 en octobre 2010 est tout aussi instructif et permet de bien saisir la dimension politique, activiste, de la pratique littéraire des Wu Ming. On peut entre autres y lire : «Nous pensons [ ] que notre travail consiste à proposer le récit de narrations alternatives, pour montrer la possibilité de limpossible et poser des questions sur lavenir à travers le filtre de lallégorie. Ce nest pas une question doptimisme : cest léthique de notre métier.» (Leur Déclaration de droits et de devoirs des narrateurs, sorte de manifeste publié en 2000, est dailleurs très clair sur leur idée du métier décrivain.)
Et ici aussi il faut lire (dailleurs on pourrait commencer par là) la riche présentation écrite par Serge Quadruppani. Ce dernier, parmi ses multiples activités littéraires, est le traducteur de trois des quatre ouvrages des Wu Ming parus en France.
Pour revenir aux bouquins parce que cest là lessentiel quen raconter? Peut-être dire dabord que je ne suis pas tombé dedans par hasard (merci les Caracolès!).
Manituana est le premier opus dune trilogie se déroulant au XVIIIe siècle (et le seul déjà publié). Cette histoire se passe entre 1775 et 1778 aux États-Unis, où les Iroquois Mohawks sont au cur dune période tragique, celle de la guerre dindépendance. On est plongés dans lhorreur de la guerre, la violence, la haine, la peur et la peine, qui trouvent comme contre-poids troublant la culture indienne, son rapport sensible à la vie, à la nature, aux rêves Le tout porté par un récit arythmique étonnant et une multiplicité de narrateurs.
Lil de Carafa est de son côté emmené par un binôme de narrateurs qui ne cessent de se croiser, de se confronter, et à eux deux ils tissent toute lhistoire. On est cette fois au XVIe siècle, tout part de lAllemagne, de la Réforme radicale et de la guerre des Paysans. Le personnage principal, tout jeune théologien protestant au début du récit, va se retrouver emporté et activiste dans une suite de mouvements subversifs qui agitent lEurope à ce moment là. Le récit est très entraînant, on trépigne de plaisir en avançant, le jeu de ping-pong à deux narrateurs est piquant et on découvre des choses lumineuses sur une époque que les leçons dHistoire ont trop vite fait de résumer à un long tunnel sombre.
(Ma préférence irait pour lil de Carafa, tellement je me suis retrouvé emporté à mon corps défendant, «petit» lecteur que je suis!)
Sur leur site on peut trouver, en français, la biographie de ce palpitant collectif, des épiques aventures de Luther Blissett un nom avec lequel ont opéré divers trouble-fête, travaillant notamment à «des canulars médiatiques élaborés comme forme d'art» sen prenant délicieusement à lindustrie culturelle et médiatique jusquaux diverses productions littéraires signées Wu Ming.
Lentretien paru sur le site dArticle11 en octobre 2010 est tout aussi instructif et permet de bien saisir la dimension politique, activiste, de la pratique littéraire des Wu Ming. On peut entre autres y lire : «Nous pensons [ ] que notre travail consiste à proposer le récit de narrations alternatives, pour montrer la possibilité de limpossible et poser des questions sur lavenir à travers le filtre de lallégorie. Ce nest pas une question doptimisme : cest léthique de notre métier.» (Leur Déclaration de droits et de devoirs des narrateurs, sorte de manifeste publié en 2000, est dailleurs très clair sur leur idée du métier décrivain.)
Et ici aussi il faut lire (dailleurs on pourrait commencer par là) la riche présentation écrite par Serge Quadruppani. Ce dernier, parmi ses multiples activités littéraires, est le traducteur de trois des quatre ouvrages des Wu Ming parus en France.
Pour revenir aux bouquins parce que cest là lessentiel quen raconter? Peut-être dire dabord que je ne suis pas tombé dedans par hasard (merci les Caracolès!).
Manituana est le premier opus dune trilogie se déroulant au XVIIIe siècle (et le seul déjà publié). Cette histoire se passe entre 1775 et 1778 aux États-Unis, où les Iroquois Mohawks sont au cur dune période tragique, celle de la guerre dindépendance. On est plongés dans lhorreur de la guerre, la violence, la haine, la peur et la peine, qui trouvent comme contre-poids troublant la culture indienne, son rapport sensible à la vie, à la nature, aux rêves Le tout porté par un récit arythmique étonnant et une multiplicité de narrateurs.
Lil de Carafa est de son côté emmené par un binôme de narrateurs qui ne cessent de se croiser, de se confronter, et à eux deux ils tissent toute lhistoire. On est cette fois au XVIe siècle, tout part de lAllemagne, de la Réforme radicale et de la guerre des Paysans. Le personnage principal, tout jeune théologien protestant au début du récit, va se retrouver emporté et activiste dans une suite de mouvements subversifs qui agitent lEurope à ce moment là. Le récit est très entraînant, on trépigne de plaisir en avançant, le jeu de ping-pong à deux narrateurs est piquant et on découvre des choses lumineuses sur une époque que les leçons dHistoire ont trop vite fait de résumer à un long tunnel sombre.
(Ma préférence irait pour lil de Carafa, tellement je me suis retrouvé emporté à mon corps défendant, «petit» lecteur que je suis!)