Signalétique pour Bataville
Adrien Zammit - lundi 1 février 2016 - Création graphique
Vendredi matin, avec laide précieuse dÉlina Chared, Florian Thomas, Camille Remond et Nicolas Bibette, nous avons achevé linstallation de notre signalétique Bataville dans le cadre de lUniversité foraine installée sur place. Se concluait ainsi une semaine bien intense (et très chouette). Nous sommes maintenant curieux de connaître les réactions et les éventuelles suites que ce travail (modeste) pourra provoquer!
Bataville, «la ville Bata», réunit usine, habitations, divers services, production agricole et espaces naturels ; le site fut construit dans les années 1930 par le fabricant de chaussures Bata (déjà une importante multinationale à lépoque). Semblant un peu perdu au milieu de la Moselle, lendroit possédait des qualités primordiales pour le développement de lusine : des moyens de communication (accès par le canal de la Marne au Rhin, par le train et la N4), une exploitation agricole moderne (le domaine dHellocourt, une «ferme idéale» développée par des Allemands entre 1890 et 1919) et un isolement propice au bataïsme. Le système Bata, héritier du fordisme, est entièrement tourné vers l'optimisation la plus parfaite en vue dune production la meilleure marché et dune conception quasi-mystique de lentreprise : larchitecture moderne des bâtiments, le travail à la chaîne, les nombreux services proposés aux ouvriers (et une qualité de vie indéniable), limportance du sport et des loisirs, le fonctionnement de la vie en quasi-autarcie sur les sites de production. Le tout baignant dans un doux paternalisme, un grand récit collectif échafaudé par des organes de propagande (journaux, livres), des cérémonies (remises de prix, fêtes ), orchestré depuis la maison mère. Bata a dabord construit son système depuis Zlin (République Tchèque) avant dessaimer un peu partout à travers le monde (Europe, Inde, Canada, Amérique du Sud, Afrique ), gardant des années 1930 aux années 1980 le principe dapprovisionner en priorité ses magasins par les usines situées dans le même pays.
Après des heures fastes où Bata ne souffrait daucun concurrent à son échelle, la production de lusine de Bataville-Hellocourt a commencé à doucement décliner dans le courant des années 1970, les emplois vacants à être non remplacés, jusqu'à lannonce-surprise de la fermeture en 2001 qui provoqua un conflit social très violent pour les «Batamen» encore en activité (plus de 800 salariés concernés). Avec le départ de Bata, Bataville perdait sa raison dêtre première.
Bataville aujourdhui cest notamment 300 habitants, des écoles dont un collège (accueillant les enfants dune dizaine de villages alentours), une poignée de commerces et des entreprises installées dans les bâtiments de lancienne usine. Pour l'instant rien ny a pas été transformé en site-patrimonial-à-visiter-avec-audioguide, cest simplement un petit village tranquille à larchitecture moderniste dans son jus, avec une zone dactivité et pas mal denfants dans les rues, le tout entouré de champs, détangs et de forêts.
Avec les moyens limités dont nous disposions (peu de temps et peu de budget, des palettes à désosser comme matériel de base), nous avons essayé de produire quelque chose de malgré tout foisonnant, qui vienne animer Bataville par une présence légère mais grouillante. Une expérimentation échelle 1 pour laquelle nous avons fait le choix du quantitatif (près de 80 panneaux découpés, poncés, peints et installés) au détriment de la qualité des panneaux dont la taille et la forme graphique mériteraient sans doute un travail plus poussé.
Le foisonnement nous était toutefois primordial pour expérimenter notre volonté dune signalétique multi-couches, où senchevêtrent plusieurs typologies dinformations : du pratique et du sensible, du présent et du passé, du terre-à-terre et de lhumour, du près et du lointain. Un témoignage sauce Formes Vives de la richesse et de la complexité de cet endroit. Une partie importante du travail a été de bien simprégner du lieu, de réunir un paquet dinformations (merci à Margaux et Olivier pour m'avoir mâché le travail), de classer tout ça, faire des choix, tout en cogitant à la bonne implantation (et orientation!) de chaque panneau.
Chaque «couche dhistoire» a reçu un code couleur spécifique
«Bataville aujourdhui» (texte bleu), des infos sur ce que lon trouve actuellement à Bataville (écoles, commerces, un canal )
«Bataville âge dor» (texte rouge brique), pour les infos sur le Bataville des grandes heures, le nom et la fonction de lieux (aujourd'hui disparus ou transformés).
«Bata international» (texte rouge vif), des panneaux disposés sur le rond-point de Bataville ; y sont fléchés dautres sites importants dans lhistoire de Bata, où les mêmes logiques dorganisation quà Bataville ont été mis en uvre à commencer par Zlin (ex-Tchéquie) où lusine mère était implantée.
«Bataville des enfants» (texte violet), lindication de sites daprès le nom que leurs donnent les enfants (repris de la carte sensible des CM2 réalisées avec lUniversité foraine).
«Université foraine» (texte turquoise, pas facile à lire!), les interventions liées à la permanence architecturale (leur atelier, le GR Bata) et quelques infos plus ou moins farfelues.
Nous avons laissé à léquipe quelques panneaux vierges, la signalétique pourra ainsi être complétée au cours de la permanence.
Une bonne partie des panneaux est aussi augmentée dinformations, classiquement des distances (en mètres ou kilomètres) mais aussi dautres données comme le nombre demployés de lusine en telle année, le nombre délèves au collège C'est bien sûr tous les panneaux qui relèvent dune histoire à découvrir ; cette collection de flèches parsemées soffre aussi comme une proposition pour diverses balades possibles, qui peuvent aussi bien sadresser à des scolaires, des curieux de passage, et créer d'éventuels nouveaux repères pour les habitants. Par la dimension des panneaux et les informations bariolées quon y trouve, cest clairement une signalétique pour des promeneurs (piétons, cyclistes ) plutôt qu'une signalétique «fonctionnelle» pour automobilistes et gens pressés. Nous avons voulu que cette signalétique sadresse à des personnes très différentes et, par certains choix dans le décalé ou lanecdotique, que tous y trouvent matière à sourire.
Nous avons également doté de quelques rayures les piquets plantés par léquipe du «GR Bata» crée par latelier De-Hors / Liliana Motta.
Cette intervention est à apprécier comme une tentative, une proposition, quelque chose déphémère (de la même façon que la permanence architecturale de Margaux Milhade / Notre Atelier Commun nest programmée que pour durer une année). Les panneaux et les piquets sont dailleurs faciles à retirer, libres à ceux qui se sentent gênés den enlever. J'irai jeter un il en mars pour voir comment cela vit!
Encore, un immense merci à Élina, Florian, Camille et Nicolas, les quatre étudiants volontaires de lEnsa de Nancy mayant grandement aidé toute la semaine. Ce chantier a aussi été riche en rencontres et en bons moments, conviviaux et festifs, merci à léquipe de lUniversité Foraine, Margaux, Olivier, Théo, Loïc pour tout ça! LUniversité Foraine est accueillie sur place par lassociation La chaussure Bataville, et est financée par la communauté de commune du Pays des Étangs, le Parc naturel régional de Lorraine et la Fondation de France.