Patrick Zachmann, ma proche banlieue

Du 26 mai au 11 octobre 2009, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration a accueilli une superbe exposition des quelques trente ans d'activité du photographe Patrick Zachmann. Le livre sorti pour l’occasion est aussi une réussite, je suis très content de le compter dans ma bibliothèque.

Pour celles et ceux qui estiment que l'art n'a rien à voir avec le social, le travail de Zachmann vous fera mentir en rayonnant, de par sa sensibilité, d'un optimisme trop rare.
L'attention avec laquelle il rencontre et photographie des personnes dans leurs lieux de vie est remarquable ; sa démarche s'attache «aux thèmes de l’identité, de la mémoire et de l’immigration», avec une douceur telle que l'autre, son histoire, sa simplicité «ordinaire» s'affirment avec tout le respect qu'ils méritent. Les clichés tombent. Des voix, des regards nous arrivent enfin. Et alors, soudain, on ne peut être qu'ému devant cette dignité des délaissés enfin conquise.

Travail majeur de l'exposition, « deux allers et retours dans le temps et dans l’espace : Marseille. En 1984, dans les quartiers nord, il confie des appareils photographiques à 11 jeunes de 16 ans pour capter leur quotidien. 20 ans plus tard, il part à leur recherche…»



«Septembre 1984, Hocine, Chérif et Yahia, la "terre rouge", cité Brassens».



«14 juillet 2007. J'avais donné rendez-vous à Chérif, Hocine et Yahia à Brassens pour les photographier à la "terre rouge". Nous montons sur le terrain vague juste derrière la cité. Yahia, le plus motivé pour ce retour en arrière, me montre des points de repère inchangés. C'est une sensation forte de retrouver le décor de photos prises il y a si longtemps. Les trois copains prennent la même pose qu'il y a vingt-trois ans.
Chérif travaille à la Friche Belle-de-Mai, Yahia est devenu agent de sécurité et Hocine est conseiller à la mission locale d'insertion du 15e arrondissement de Marseille »
.

Le livre de l'exposition réunissant de nombreuses photos, des textes du photographe et un dvd du documentaire réalisé à Marseille, Bar centre des autocars (2008), très soigneusement maquetté par l'atelier Atalante / Chloé Tercé, est disponible aux Éditions Xavier Barral pour 39€.

Pour un large aperçu, vous trouverez sur le site du musée une page très riche dédiée à l'exposition, avec des vidéos (dans lesquelles Zachmann montre et parle de son travail — en HQ) et des enregistrements audio des conférences ayant eu lieu en marge de l'exposition.

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Boris Charmatz, Je suis une école

«Si les écoles sont hiérarchisées, organisées en échelons inamovibles, si les horaires sont implacables, si les règlements sont omniprésents, si on apprend toujours plus à se taire devant le professeur et à rester assis tassé qu'à ouvrir la bouche ou se mouvoir librement, c'est que, dès que ces barrières sautent, les enjeux sexuels, politiques, sociaux, conflictuels, les enjeux vitaux de l'éducation, sautent au visage de tous. La panique menace de toutes parts.»

La maison d'édition indépendante Les Prairies ordinaires, dirigée par Rémy Toulouse, continue son petit bonhomme de chemin. Parmi ses récentes publications s'est glissé un étonnant livre du chorégraphe et danseur français Boris Charmatz.

Pendant une année (2003-2004), il a réuni quinze jeunes personnes pour Bocal ; un temps, une recherche, une pédagogie expérimentale pour, peut-être, inventer et pratiquer la danse contemporaine. D'ateliers en rencontres, de représentations-performances en irrémédiables aléas d'une tentative collective, Bocal s'attaque, en même temps qu'il nourrit, le sensible et le politique, le corps et l'esprit.

Charmatz fait partager, à la manière d'un collage, cette année d'entraînements, de divagation, d'efforts, de crises et de joies. Les allers-retours entre l'approche théorique et les comptes-rendus d'expériences, agrémentés d'extraits de textes, de photos, de croquis, composent un livre surprenant, s'offrant à une lecture dansée — zigzags, bonds, accélérations, chutes, flottements… — tout en étant un archivage généreux et soigné.

On peut sans doute regretter qu'une seule voix s'exprime pleinement — celle de l'instigateur — alors que Bocal se voulait collectif et corrosif pour toutes les hiérarchies et conventions. Je suis une école n'en demeure pas moins une chaude et encourageante braise pour penser ensemble la pédagogie et la pratique artistique.

La quatrième de couverture vous en dira plus (à trouver sur le site flash des Prairies ordinaires). La composition graphique du livre est l'œuvre de Jérôme Saint-Loubert Bié. Merci à Gala pour ce cadeau.

Qu'est-ce qu'un livre ?



Roger Chartier, historien titulaire de la chaire « Écrit et cultures dans l'Europe moderne » au Collège de France, donnera un cycle de cours ayant pour titre Qu'est-ce qu'un livre?
Les cours auront lieu les jeudis, de 10h à midi, à partir du 22 octobre jusqu'au 17 décembre. Comme à l'habitude au Collège de France (11, place Marcelin Berthelot 75005 Paris), les cours sont en accès libre et sans inscription préalable.
Pour ceux qui ne pourraient pas se déplacer, il est très vraisemblable que ces cours soient ultérieurement proposés en ligne ici.



Cela pourra peut-être nous consoler de l'interruption du site Objets livres.
Merci à Samuel Bonnet pour cette information.

Graphiste, n. masculin/féminin



Un petit document assez important. Une brève définition assortie d’une déclaration d’intentions pour un métier qui n’a pas fini de se débattre pour conserver, développer son envergure artistique et, disons, son éthique.
Nous sommes alors en 1987, et quelques graphistes concernés se réunissent et posent ensemble des mots forts dans la dynamique des États généraux de la culture.
«La création graphique en France, existe, pourvu qu’on la sauve.»

Plus de vingt ans après, pas un seul de ces mots n’a à être changer :
Définition-graphiste.pdf

Gala Vanson, Le Partage du sol

Où l’artiste ne se sépare pas beaucoup de l’homme.



Quelle est la nature du lien qui se forme lors d’un processus de création collective? Comment le «vivre ensemble» détermine-t-il le contenu et la puissance d’une œuvre? Quelle trajet emprunte l’émotion esthétique lorsqu’elle parvient à délivrer au public le mystérieux sentiment de l’être-ensemble?

Ces questions tenteront de se poser avec justesse sur le plateau belge de la compagnie les Ballets C. de la B., que le chorégraphe Alain Platel fait danser amoureusement.

Le Partage du sol, mémoire de Gala Vanson, Ensad 2009 :
LePartageDuSol-GalaVanson.pdf

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Le Théâtre des idées

Depuis 2004, en même temps que l'arrivée d'Hortense Archambault et Vincent Baudriller à la direction du festival d'Avignon, un cycle de conférence a pris place : le Théâtre des idées, conçu et animé par Nicolas Trong. Un livre homonyme (sous-titré 50 penseurs pour comprendre le XXIe siècle) réuni les interventions accueillies entre 2004 et 2007 ; on peut le prendre comme une porte d'entrée vers le travail d'intellectuels contemporains parmi les plus indispensables.



Le Théâtre des idées continue bien sûr et les rencontres de 2008 et 2009 sont à écouter en ligne. Alors vous trouverez sans nul doute de quoi vous intéresser! Attention, ces enregistrements demandent un peu plus de concentration que d'ordinaires émissions de radio.
On retrouve par exemple Jacques Rancière, Marie-José Mondzain, Nancy Huston, Alain Badiou, François Flahault, Georges Didi-Huberman, Edgar Morin…

Le Théâtre des idées 2008
Le Théâtre des idées 2009

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Chantier, le livre



L'année est terminée, un livre est né.
Après notre mémoire, voilà, au même format, un recueil des petites expérimentations, des rencontres et des lectures de l'année. La réunion et le rebrassage du tout nous amenant à un joyeux travail d'écriture, de composition et d'édition.
Pour s'en mettre un peu plus sous la dent, c'est par là. Le site de Chantier reste bien sûr ouvert.
Dans les semaines à venir nous allons mettre en place un petit système de prêt pour que ce travail puisse se promener entre quelques mains…

John Berger, Voir le voir

La fameuse suite d'essais de John Berger, Ways of seeing, a été traduit en français en 1976 (drôle de changement de titre). Ce petit livre, édité chez Penguin Books en 1972, fait suite à une série d'émissions télévisuelles du même nom (cf. ci-dessous).

Il y a un an, dans le premier opus de Back Cover, Peter Bil'ak prenait le soin de nous rappeler à cette lecture fondamentale — un article au demeurant excessivement simplificateur même s'il relève bien l'intelligence de la conception. Il faut savoir que ce livre a été très marquant pour une génération d'artistes (et de graphistes) ; il fût aussi, par exemple, une lecture obligatoire pendant plusieurs années aux Arts déco.
Contrairement à Bil'ak je ne me risquerai pas à tenter une explication du livre, je vous ai simplement scanné l'essai qui porte sur la publicité mais vous invite à consulter l'ensemble des sept essais — dont trois ne sont composés que d'images, censés soulever «autant de questions que les essais verbaux».
À noter également que le livre a été composé à dix mains, co-signés par John Berger, Sven Blomberg (artiste collagiste), Chris Fox (critique), Michael Dibb (producteur à la BBC) et Richard Hollis (graphiste).

Ce livre n'est malheureusement plus édité en français mais vous pouvez sans doute le trouver au détour d'une bibliothèque ou d'un ami quinquagénaire, à moins que vous vous procuriez sa version anglaise — toujours chez Penguin.

Le premier essai traite de ce qu'est, au XXe siècle, notre rapport à l'œuvre d'art — en reprenant explicitement les idées de Walter Benjamin énoncées dans L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique (1935). Le troisième décortique la présence picturale des femmes. Le cinquième traite de la peinture à l'huile à travers notamment les sujets qu'elle a pu représenter.
Et le septième et dernier essai de Voir le voir à télécharger :

Voir-le-voir-Essai7.pdf

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L'imagerie politique

En 1977, le CCI (Centre de création industrielle) organise une exposition sur le graphisme pris dans le champs de la politique. L'enquête et l'analyse de Jean-Paul Gourévitch et Marsha Emanuel sont assez larges et forment un travail historique très précieux.

«Pour faire découvrir le langage de l'image politique, avec ses codes, ses formes d'expression, ses constellations privilégiées, et pour faire comprendre l'environnement social et domestique nouveau que créent ces images ainsi que le système de valeurs qu'elles imposent, les organisateurs de l'exposition ont réuni cinq cents images et produits divers, datant des dix dernières années, et récoltés aux quatre coins du monde.
L'exposition n'est ni la démonstration d'une thèse politique, ni une galerie de belles affiches. Elle propose une méthode de lecture. Elle est simplement un lexique de l'imagerie politique. On y trouvera plus d'images de l'opposition que d'images du pouvoir, tant il est vrai que l'affiche, support populaire par excellence, est avant tout revendicatrice.»


Le catalogue de l'exposition (40 pages, 20x24 cm) à télécharger :

Imagerie-Politique-CCI-1977.pdf

Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé (2)

Suite à l'introduction faite par Adrien, je condense ici ce qui a, pour moi, fait sens à ce moment de l'année dans le dernier livre de Jacques Rancière. La brutalité des notes enlève au discours une partie de sa complexité. Il ne faut y voir que la rencontre succincte de deux préoccupations.

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Jean-François Lyotard, Intriguer — ou le paradoxe du graphiste

Vivien Philizot vient de doter son site d'une rubrique documents dans laquelle nous sommes ravis de trouver, entre autres, un très bon texte qui malheureusement n'a pas (encore) fait école.
C'est une préface du philosophe Jean-François Lyotard pour le catalogue de l'exposition Vive les graphistes, organisé en 1990 au Centre Pompidou. Il dégage notamment les principales contraintes — ou enjeux — de l'activité de graphiste et, en nous emportant dans son malin dialogue, nous expose quelques notions bienvenues pour entrevoir les possibles d'une pratique contemporaine.

Intriguer ou le paradoxe du graphiste

Viven Philizot, Graphisme et trangression

Vivien Philizot vient du publier un chouette article, Graphisme et transgression, sous-titré : Citation et détournement dans les codes visuels du design graphique contemporain et publié dans la revue Signes Discours et Sociétés.



Cliquez sur les images pour les agrandir.

Adrien avait déjà parlé d'un précédent article de Vivien Philizot ici.

Pour ceux qui n'en avaient pas eu mot, Yoann Bertrandy a récemment écrit et fait diffuser un mémoire sur le graphisme amateur, Tout le monde est graphiste. Yoann et Vivien, respectivement étudiant et enseignant à l'Ésad Strasbourg, ont travaillé en parallèle sur le sujet — et c'est d'ailleurs à Yoann que nous devons la découverte de l'article de Vivien.

À noter sans faute, l'adresse du blog fraichement ouvert par Vivien Philizot : www.theoriedesigngraphique.org. S'il est destiné à ses étudiants, je crois que tout le monde y trouvera son bonheur.